Pour une gestion « adaptative » du Loup
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La gestion du loup porte des questions essentielles pour des écologistes.

Le loup est là (360 animaux répartis en plus de 60 meutes selon le comptage-contesté de l’État), et vue sa capacité exceptionnelle d’adaptation, il restera, sur une aire d’implantation qui s’élargit peu à peu bien au-delà des Alpes. Le pastoralisme est important à divers titres (économie, culture, aménagement du territoire en montagne,…) et doit impérativement être préservé. Le loup accroit ses difficultés à exister, avec une prédation croissante et dure à supporter (10 000 bêtes par an, cout total 25 millions d’euros de subventions publiques dont 22 pour la protection et 3 pour l’indemnisation des éleveurs). Mais cela ne doit pas occulter le contexte d’économie agricole privilégiant une vision libérale et productiviste, sans taxe carbone digne de ce nom, ce qui permet au mouton néozélandais d’être vendu moins cher que l’agneau de nos alpages proches. Actuellement le débat porte des visions très-trop opposées. Les actions des éleveurs se durcissent pour soutenir un abattage massif des loups et une révision du statut de protection du loup en tant qu’« espèce menacée » (convention de Berne). Une association d’élus ruraux (USAPR) couvre même d’avance des tirs illégaux et les associations d’élus de montagne ont tendance à suivre le courant. L’hostilité à l’égard des services de l’Etat (DDT, ONCFS) se radicalise en campagne de dé-crédibilisation, voire de diffamation.
Dans ce contexte très tendu un groupe d’élu.e.s et militant.e.s écologistes isérois.e.s a travaillé, en lien avec toutes les parties dès lors qu’elles acceptaient la discussion dans un cadre pacifié, pour faire émerger une parole écologiste que nos élus portent désormais dans les institutions (Sénat, Conseil départemental, mairies, PNR,…) et médias (voir l’intervention de Pierre Mériaux sur France3 Alpes  : Dimanche en Politique Alpes : les loups ou les bergers ?).

Cette position, déjà discutée à deux reprises en CPD, nous vous proposons aujourd’hui de l’adopter comme position officielle d’eelv38. Elle peut se résumer ainsi :

* En préalable, nous réaffirmons que l’éradication du loup est inenvisageable juridiquement , mais elle est de plus impossible pratiquement. Les dernières données de la science (rapport Le Maho 2017, rapports ONCFS) doivent être intégrées par toutes les parties : le loup se disperse sur le territoire, petit à petit, et ce mouvement est irréversible. C’est un signal important de biodiversité, qui doit être perçu positivement.

* En Isère des éleveurs ont financé une étude pour contredire les analyses ADN de l’ONCFS et l’origine italienne des loups. Cette controverse nous semble une diversion alors que l’ONCFS a rendu publique une étude sur 130 animaux avec un faible taux d’hybridation. En tout état de cause c’est par une controverse scientifique publique que l’on doit sortir de ce débat. A l’occasion de la publication du nouveau plan loup, c’est à l’État de l’organiser.

* Depuis des années le « Plan loup », élaboré en concertation avec les différents acteurs, détermine des moyens de protection (chiens patous, parc électriques, aides-bergers, etc.) avec accompagnements et aides, une gradation de tirs dérogatoires au statut de protection du loup et un plan de suivi de terrain et de recherches à l’ONCFS. Nous constatons que les moyens de protection ne sont pas la panacée. Pourtant ils sont assez efficaces quand ils sont associés en complémentarité (aide-berger + parcs électrifiés + chiens + moyens d’effarouchement…). Mais les loups reportent alors leurs attaques sur des troupeaux moins protégés ou modifient peu à peu leurs techniques d’attaque. La recherche de nouveaux moyens de protection et de coercition reste donc capitale. Et, malgré un nombre croissant de tirs de loups réalisés (40 en 2016 et 2017), les attaques de troupeaux continuent d’augmenter. C’est un échec net du système car le mode « tirs de prélèvement » indiscriminés ne permet aucun apprentissage du risque chez les loups trop prédateurs. Cela pourrait même aggraver les attaques par destructuration des meutes.

* Dès lors il faut privilégier une gestion « adaptative » des loups présents, comme le demandent les scientifiques, avec un développement des recherches de terrain sur des protocoles divers à tester car le loup est si intelligent qu’il s’adapte très vite. Quand la pression sur un troupeau est trop importante, des tirs de prélèvement peuvent être décidés mais uniquement sous la coordination du Préfet de Région pour sortir d’une politique de quota par département.

* Les communes de montagne ont besoin du pastoralisme mais aussi des randonneurs et touristes. Donc la cohabitation avec les chiens de protection doit être gérée, avec une éducation des deux côtés (touristes comme sélection/dressage des chiens pour les rendre non agressifs envers les hommes).

À noter que sur la base de ces analyses nos élus ont pu faire voter par le PNR Vercors (à l’unanimité) une motion ou le PNR se porte candidat à l’expérimentation de nouveaux protocoles de protection, sous la surveillance de son comité scientifique.

Motion votée à l’unanimité le 9 décembre 2017.